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Sociodynamique

La sociodynamique, littéralement le mouvement par les hommes, est une discipline de management théorisée par Jean-Christian Fauvet, qui s’est construite par étapes depuis 1970, au fil des enjeux de management des dirigeants.

Modèle des 4 niveaux de l’antagonisme

L’antagonisme qualifie la position d’un groupe ou d’un individu vis-à-vis d’une idée, d’une autre personne ou d’un autre groupe. 4 niveaux croissants d’Antagonisme peuvent être identifiés :

  1. Conciliant : se ralliera sans difficulté même s’il n’en pense pas moins
  2. Résistant : manifeste clairement son désaccord mais est prêt au compromis
  3. Opposant : s’oppose par les actes, mais se ralliera sous la contrainte
  4. Irréconciliant : s’oppose par tous les moyens et ne se ralliera jamais

Les années 1980 et la théorisation de l’énergie positive de l’entreprise

À ses débuts, la notion de coopération est restée relativement absente de la sociodynamique et n’apparaissait que dans les cas exceptionnels d’absence de conflits. Progressivement, cet autre versant de la relation a gagné en intérêt pour finir par être modélisé en miroir de l’antagonisme[évasif]. L’analyse de la relation s’est alors complétée avec la Synergie.

Les 4 niveaux de la Synergie

La synergie représente l’expression de positions, de points de vue communs entre personnes ou groupes de personnes par rapport à un point d’application identifié. 4 niveaux croissants de Synergie sont identifiés :

  • +1 : Minimaliste : fait le strict nécessaire pour être poli, obéit passivement
  • +2 : Intéressé : manifeste verbalement son concours et obéit volontiers
  • +3 : Coopérant : prend des initiatives de rapprochement sans qu’il faille les lui demander
  • +4 : Engagé : synergie maximale, militante.

La Carte des partenaires

Plusieurs acteurs en relation sur un point d’application particulier associent la mise en avant de leur point de vue (l’Antagonisme) et d’éléments communs (la Synergie), représentés selon deux axes orthogonaux. La nature de la relation est établie par le degré d’énergie mobilisé dans chacune de ces deux composantes.

  • Les Militants/Alignés sont des soutiens inconditionnels, faisant preuve d’un faible esprit critique ;
  • Les Concertatifs n’excluent pas une part de défense de leur intérêt, orientée pour la cause du fait de leur synergie importante ;
  • Les Déchirés sont peu nombreux et comme leur nom l’indique, sont déchirés entre l’amour et la haine ;
  • Les Hésitants adoptent une attitude partagée, circonspecte, soucieuse des enjeux, donc intéressée par les bons arrangements ;
  • Les Passifs sont caractérisés par une prise de distance, un regard neutre semi-indifférent, une acceptation passive, voire une soumission par défaut. Ils constituent un pouvoir de masse toujours considérable (variant de 20 à 80% de l’effectif selon les situations) ;
  • Les Opposants développent une stratégie de contestation systématique, de conflits larvés ou publics ; ils considèrent la relation comme un rapport de force sans pour autant pousser à la rupture définitive ;
  • Les Révoltés/Irréductibles sont dans l’opposition systématique et tenteront par tous les moyens de nuire au projet, pouvant aller jusqu’à l’autodestruction.

La ligne bleue de la synergie matérialise le niveau de synergie au-delà duquel un acteur prendra des initiatives en faveur du projet.

La ligne rouge de l’antagonisme matérialise pour sa part le niveau d’antagonisme minimal à partir duquel un acteur manifestera par des actes son opposition au projet.

La Stratégie des Alliés

La Stratégie des alliés apparaît efficace dès lors qu’il est nécessaire de conduire une action collective. L’alliance avec le plus grand nombre de partenaires, quels que soient leur niveau d’expertise ou leur autorité, est un atout pour la performance de l’action.

La Stratégie des alliés repose sur plusieurs grands principes :

  • Savoir identifier ses alliés et les prendre comme ils sont : en Sociodynamique, tout individu au moins aussi Synergique qu’Antagoniste est potentiellement un allié ;
  • Investir la Synergie auprès de ses alliés, un message couramment identifié étant de consacrer 2/3 tiers de son temps à investir de la Synergie auprès de ses alliés et 1/3 de son temps à contenir les opposants ;
  • Mettre ses alliés à contribution pour convaincre les hésitants et contenir les opposants ;
  • Faire comprendre aux opposants que leur Antagonisme ne leur servira à rien ; dans cette logique, il est important que les portes de l’alliance restent toujours ouvertes afin de permettre un ralliement des personnes qui ne l’avaient pas fait dans un premier temps.

L’institution et le corps social

Toute stratégie collective suppose l’existence d’une multiplicité d’acteurs, plus ou moins organisés au sein d’un collectif. L’organisation par excellence, c’est l’entreprise dont l’existence même est déterminée par une tension entre l’Institution et le Corps Social. La Sociodynamique modélise cette tension et imagine des stratégies d’action pour y répondre.

L’Institution se présente comme un ensemble de tâches, règles, conduites entre les personnes et pratiques. Dans l’entreprise, elle s’incarne dans le statut juridique, le règlement intérieur, les procédures internes (personne morale)… et se caractérise par des impératifs de productivité, d’efficacité, de pérennité, de rentabilité, de sécurité…

Le Corps social se définit comme un ensemble d’individus soucieux de satisfaire leur bonheur privé. Ce sont les hommes et femmes de l’entreprise. Il est caractérisé par des aspirations telles que l’information, la rémunération, la valorisation, la formation, la promotion.

L’Institution sera d’autant plus performante qu’elle assumera son Corps social et les attentes de chacun de ses membres. Ces 2 éléments peuvent être représentés par 2 cercles avec une intersection. Cette partie sécante entre l’Institution et le Corps social est ce qu’on appelle le bien commun ou l’intérêt général.

Si les deux cercles ne sont pas sécants ou si une discorde naît entre l’Institution et le Corps social, tout le monde va y perdre. Il faut réconcilier les impératifs de l’institution avec les aspirations du corps social.

Les 3 modes de management

Les 3 modes de management sont 3 modes d’action, respectivement adaptés aux impératifs de l’Institution et aux aspirations du Corps social. Selon les situations, et partenaires, le manager peut jouer sur ces 3 modes pouvant se révéler complémentaires et propres à stimuler l’engagement.

Mode 1 : Imposition
Le mode 1 est le mode du JE, l’action du chef s’exerce de haut en bas, il commande et impose des directives claires et leur non-respect peut entrainer des sanctions. Les ordres ou consignes du responsable sont justifiés par sa position hiérarchique qui lui confère, au minimum, une légitimité de droit formelle. Ce mode est souvent utilisé dans les situations d’urgence, non négociables ou lorsque le pouvoir est en faveur du chef. Il permet d’être clair, réactif et de maitriser des situations courtes, mais il peut également tuer les initiatives, développer la passivité et renforcer la position des opposants.

Mode 2 : Transaction
Le mode 2 est le mode du MOI ET L’AUTRE. La transaction se propose dès lors qu’il s’agit de trouver un équilibre entre les intérêts des acteurs. C’est un mode de relation civile, politique, commerciale, diplomatique. Il favorise les échanges et apaise les tensions, renforce les alliances et permet au Corps social d’exister. Mal utilisé, ce mode peut s’avérer être chronophage et affaiblir les indécis, il peut générer des décisions intermédiaires moyennes.

Mode 3 : Animation
Le mode 3 est le mode de la confiance, du NOUS, c’est le mode du management de projet. La décision est participative et l’action collective. Ce mode est efficace lorsque l’on est face à un challenge collectif, en situation de confiance mutuelle, il répond à un besoin de cohésion. Pour qu’il soit efficace, l’équipe doit partager certaines valeurs, le chef doit susciter l’adhésion et l’enthousiasme de son équipe. Ce mode accroit le sentiment d’appartenance et l’implication de l’équipe. Mal adapté, il peut également s’avérer chronophage, déstabiliser les passifs et diluer les responsabilités.

Le parallèle entre Sociodynamique et jeu de go

Le jeu de go inventé en Chine aux alentours de -2300 av. J-C, est le plus vieux jeu de stratégie du monde. Pratiqué pendant des millénaires par les élites Chinoises, Coréennes et Japonaises, il ne commence à se répandre dans les cultures occidentales qu’à partir de 1960, époque à laquelle les stratèges occidentaux tentent de comprendre la manière dont Mao Zedong a conquis le pouvoir en Chine.

La pratique du go exerce à composer avec la complexité, à jalonner ses actions pour atteindre un dessein, à concilier tactique et stratégie. Effet collatéral : on apprend à se connaître soi-même face à un adversaire et l’on comprend les bénéfices de la coexistence, l’objectif du jeu de go étant bien de construire des territoires plus grands que son adversaire tout en le laissant vivre, à l’opposé du jeu d’échec où l’on cherche à tuer l’autre.

La Sociodynamique s’est inspirée de principes stratégiques du jeu de go pour formaliser des stratégies d’action collective, notamment dans les grands projets où la complexité des enjeux, la multiplicité des acteurs et le temps long influent sur la prise de décision.

  • Règle n°1 : ayez un dessein. Toutes les actions du manager doivent suivre une ligne directrice et servir un projet global. En Sociodynamique, il est important d’agir tout en conservant une vision en surplomb ;
  • Règle n°2 : jalonnez, voyez loin, existez partout. En Sociodynamique, il faut garder l’initiative pour conduire des événements, c’est en existant sur un maximum de sujets que l’on accroît son influence et que l’on maintient la visibilité et l’ampleur du projet ;
  • Règle n°3 : connectez, connectez, connectez. Ce sont les liens entre les différents actes qui leur permettront d’exister et de prendre de l’ampleur ;
  • Règle n°4 : ménagez-vous des degrés de liberté. À choisir entre plusieurs solutions, il est crucial de s’orienter vers celles qui laissent un maximum de marge de manœuvre ;
  • Règle n°5 : appuyez-vous sur les bords du damier. Ce dernier représente la masse silencieuse, les Passifs en Sociodynamique, qui sont les points d’appui de toute transformation de par leur nombre ;
  • Règle n°6 : jouez principalement en extension, et accessoirement en contention. En Sociodynamique, il est recommandé de passer deux tiers de son temps à développer son projet, et seulement un tiers à contenir le projet des opposants ; un projet ne se construit pas de la volonté d’un seul individu mais par l’action de la Synergie et de l’Antagonisme des projets environnants, en utilisant le projet de l’autre pour réaliser son propre projet ;
  • Règle n°7 : fractionnez les territoires. En management, cela rappelle la nécessité de progresser sur plusieurs fronts ;
  • Règle n°8 : ne cherchez pas à sauver les pierres perdues. Il est tentant de vouloir se sortir indemne de chaque situation, mais il est parfois plus profitable d’abandonner une cause perdue pour se renforcer sur d’autres batailles ;
  • Règle n°9 : allez jouer ailleurs, changez de damier. En cas de difficulté sur un terrain particulier, ne pas hésiter à concentrer ses efforts sur un autre projet, afin de prendre l’avantage ou conserver l’initiative.

L’approche « management global »

L’approche « management global » constitue le dernier grand chapitre de la construction sociodynamique, elle intègre dans un référentiel unique l’ensemble du fonctionnement d’une organisation et met en relation tous les éléments, matériels et immatériels, qui y contribuent. Elle tire son origine de la quête de concepts et d’outils permettant de mieux appréhender la complexité inéluctablement croissante de l’organisation des entreprises et de leur environnement.

La dialectique du Un et du Multiple

La dialectique du Un et du Multiple – qu’Edgar Morin a explorée tout au long de ses travaux sur la complexité – est à la base de l’approche du management global. Elle permet de décrire deux tendances fondamentales d’une organisation, qui s’opposent tout en se complétant :

  • Une inclination à l’unité, à la cohésion, à l’ordre et à la stabilité : l’organisation est Une, plus ou moins fermée sur son dedans (son « EGO »),
  • Une inclination à la diversité, au désordre et au mouvement : l’organisation est Multiple, plus ou moins ouverte sur son dehors (son « ECO »).

Le dedans et le dehors

Cela étant posé, une organisation peut être décrite selon deux axes EGO et ECO :

  • L’axe EGO qui représente le dedans de l’organisation. Le dedans porte son identité, il est à la fois structure, culture, systèmes et management. L’EGO est fort quand tout le corps social s’approprie le projet de l’organisation, en partage le sens, s’investit dans sa réalisation. L’EGO est faible lorsque le sentiment d’appartenance à l’organisation est peu développé, quand la relation des individus à l’organisation est d’ordre purement utilitaire.
  • L’axe ECO qui représente le dehors, dans toute sa complexité. Le dehors est l’ouverture au monde des clients, des fournisseurs, des médias, des associations, de la société tout entière. Il représente la tendance de l’entreprise à s’intéresser et à réagir au désordre ambiant. L’ECO est fort quand l’organisation est en prise avec son environnement, qu’elle est capable de percevoir les forces qui y sont à l’œuvre et de s’adapter de manière réactive aux évolutions qui s’y font jour. L’ECO est faible lorsque l’organisation est repliée sur elle-même, sourde à ce qui l’entoure, entièrement guidée par sa logique interne.

C’est en jouant de l’interaction dedans / dehors que l’on peut trouver des chemins de performance propres à une organisation dans une situation donnée. Trop de clôture s’oppose au changement et trop peu disloque l’organisation. D’une façon générale, c’est le dedans qu’il faut renforcer pour accroître l’esprit de corps autour d’un projet et développer des valeurs comme la confiance mutuelle ou l’amour du métier et c’est sur le dehors qu’il faut ouvrir l’entreprise pour accroître sa compétitivité, susciter des occasions de changement et développer des valeurs comme le goût du risque et de l’innovation. D’où la nécessité pour tout décideur d’inscrire son action dans un champ global, en considérant le dedans et le dehors comme des forces en tension mutuelle.

Les quatre modes d’organisation

Le modèle EGO/ECO est une grille de lecture qui définit quatre grands modes d’organisation, chacun présentant des caractéristiques spécifiques. Dedans et dehors – faibles ou forts – définissent une typologie fondamentale des organisations en quatre familles :

  • L’organisation « mécaniste » (bureaucratique, taylorienne…) présente le cas extrême où EGO et ECO affichent un faible niveau. Ici, le dehors est lointain, hors contexte. Les clients, les concurrents et les exigences du marché sont vécus comme des paramètres abstraits. Le changement est difficile car sa nécessité n’est pas perçue.
  • L’organisation « transactionnelle » est elle aussi peu sensible au dedans, en revanche chaque équipe de base réagit fortement en fonction du dehors. Ce dehors peut être la clientèle, le métier, mais aussi toute tentation purement personnelle. Ici, l’activité souvent débordante des acteurs sert leur intérêt privé avant celui de l’entreprise. Le dedans n’est pas directement stimulé par le dehors mais, indirectement, la créativité individualiste ainsi libérée peut contribuer à amorcer des changements.
  • L’organisation « tribale » joue à fond l’appropriation du dedans, mais sans tenir grand compte de l’environnement. Plus encore que l’organisation mécaniste, l’organisation tribale se croit seule au monde. Elle n’est pas prête à changer mais son dynamisme propre et sa confiance inébranlable en elle-même lui permettent d’affronter le marché.
  • L’organisation « holistique » se présente comme une combinaison dynamique des organisations individualiste et tribale, comme le stade ultime de l’accomplissement de l’EGO et de l’ECO. La clôture sur le dedans sert l’unité d’action indispensable, l’ouverture sur le dehors renforce la variété de réactions nécessaire. L’organisation acquiert cette propriété essentielle qu’est l’autonomie, c’est-à-dire qu’elle est capable de mobiliser son dedans par le dehors, pour mieux maîtriser le dehors par le dedans.

Aucune organisation réelle ne relève entièrement d’une seule de ces familles. Toutes présentent un dosage entre les quatre types. Plus qu’à la globalité d’une organisation, c’est à chacune de ses composantes que la grille d’analyse s’applique de manière pertinente : système de rémunération, de gestion, corps de valeurs…

Le management global, outil de la sociodynamique, s’attache à caractériser la situation initiale, à décrire une cible et à identifier les leviers à actionner pour mener à bien la transformation de l’organisation.

L’organisation holistique

Ce mode d’organisation se révèle un ingrédient différenciateur qui rend chacun porteur du projet global de l’entreprise et autonome pour agir à bon escient, à son niveau. Il est donc particulièrement approprié pour composer avec la complexité.

Un nombre croissant d’initiatives s’en approchent ou s’en inspirent, désignées par des vocables tels que l’entreprise libérée ou le management par la confiance.

Fauvet cite le modèle de management de FAVI comme une illustration de l’organisation holistique.

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